RESUMEN
INTRODUCTION: Les dysfonctions du plancher pelvien entraînent des conséquences importantes sur la qualité de vie d'un point de vue physique, psychologique, sexuel et social. Leur prévalence est souvent sous-estimée en raison de la réticence et de l'embarras à discuter de ces symptômes. Les coûts liés aux dysfonctions du plancher pelvien chez les femmes sont substantiels, et ils représentent un fardeau économique pour la société [Sung et al., 2010]. Des traitements conservateurs comme la rééducation périnéale et pelvienne (REPP) sont habituellement offerts en première intention pour le traitement de ces troubles chez les femmes. Des interventions chirurgicales peuvent être proposées en cas d'échec des traitements conservateurs et pharmacologiques. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a mandaté l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) afin qu'il évalue la pertinence d'inclure la rééducation périnéale et pelvienne à la gamme de services publics offerts au Québec pour prévenir et traiter les dysfonctions du plancher pelvien. Le mandat vise l'efficacité de cette rééducation, les risques, les modalités d'application ainsi que l'impact économique et organisationnel. Dans un premier volet des travaux, l'INESSS a émis une recommandation favorable à l'égard d'un accès à la rééducation périnéale et pelvienne pour la prévention et le traitement de l'incontinence urinaire, l'une des conséquences fréquentes d'une dysfonction du plancher pelvien. La suite des travaux, présentée dans ce document, porte un regard et formule des recommandations en ce qui a trait à l'accès à cette rééducation pour la prévention et le traitement des dysfonctions anorectales, du prolapsus des organes pelviens et des douleurs périnéales. MÉTHODOLOGIE: Une recherche de la littérature scientifique et des autres sources d'information a été réalisée : revue des revues, revue rapide, revue exploratoire ou recension des guides de pratique clinique selon la question d'évaluation. Une revue de la littérature économique a été menée pour évaluer l'efficience de la rééducation périnéale et pelvienne à l'aide d'études jugées transférables au contexte québécois. Une analyse d'impact budgétaire a permis d'estimer l'impact de l'ajout de la rééducation périnéale et pelvienne à la gamme de services publics offerts au Québec pour le traitement de chacune des dysfonctions du plancher pelvien. Les travaux ont été accompagnés par un comité consultatif d'experts, un comité de patientes collaboratrices et un comité de suivi. Dans un souci de mobilisation et d'intégration des connaissances, une approche multidimensionnelle a été employée en intégrant les données scientifiques, contextuelles et expérientielles. Les énoncés de preuve scientifique formulés ont été soumis à une démarche d'appréciation de la preuve. Les recommandations ont fait l'objet d'une délibération par le Comité délibératif permanent − Modes d'intervention en santé. RÉSULTATS: Femmes en période périnatale Chez une population de femmes enceintes ou en période post-partum, les preuves sont insuffisantes pour conclure quant à l'efficacité de la rééducation périnéale et pelvienne pour la prévention ou le traitement des dysfonctions anorectales, du prolapsus des organes pelviens ou des douleurs périnéales. Il y a également un niveau de preuve insuffisant en ce qui concerne le traitement des dysfonctions anorectales chez les femmes qui présentent des lésions obstétricales du sphincter anal. Certains guides recommandent toutefois la rééducation périnéale et pelvienne après l'échec des traitements initiaux compte tenu du peu d'effets secondaires associés à cette rééducation. Dysfonctions anorectales: La rééducation périnéale et pelvienne pourrait être plus efficace que les soins usuels (sans médication) pour traiter l'incontinence anale chez les femmes adultes. Le niveau de preuve est toutefois jugé faible en raison du petit nombre d'études, qui sont de faible qualité. Les guides de pratique clinique recommandent la rééducation périnéale et pelvienne après l'échec des traitements initiaux. Il ne semble pas y avoir de différence quant à l'efficacité entre la rééducation périnéale et pelvienne et le lopéramide ou des injections anales de dextranomère pour traiter l'incontinence anale chez la femme adulte. Le niveau de preuve est toutefois jugé faible en raison du petit nombre d'études, qui sont de faible qualité. L'absence de preuve ne permet pas de se prononcer sur l'effet de la rééducation périnéale et pelvienne pour le traitement de la constipation fonctionnelle. Un guide recommande cette rééducation pour le traitement de la constipation. Malgré le peu de preuves, les guides de pratique clinique recommandent généralement la rééducation périnéale et pelvienne pour le traitement des dysfonctions anorectales, car elle est considérée comme une option raisonnable en raison de l'a de l'absence d'événements indésirables associés et de son caractère non effractif. Prolapsus des organes pelviens: La rééducation périnéale et pelvienne semble efficace comme traitement de première intention du prolapsus des organes pelviens (stades I à III) pour réduire la sévérité du prolapsus de la paroi vaginale antérieure et les symptômes généraux du prolapsus des organes pelviens à court terme (niveau de preuve modéré). Les guides de pratique clinique recommandent à l'unanimité l'utilisation de la rééducation périnéale et pelvienne pour le traitement des prolapsus des organes pelviens de stades I et II. D'après une littérature limitée et l'opinion des experts consultés, il est estimé que de 4 à 10 séances supervisées durant une période minimale de 16 semaines pourraient être suffisantes pour traiter un prolapsus des organes pelviens chez les femmes adultes. RECOMMANDATIONS: Compte tenu de la cohérence de l'ensemble des données constituant la preuve, de l'efficacité, du caractère sécuritaire de l'intervention ainsi que du peu d'effets indésirables, l'INESSS reconnait la pertinence d'un accès à la rééducation périnéale et pelvienne (c'est-à-dire offre publique et/ou modalités de remboursement) pour le traitement du prolapsus des organes pelviens. L'INESSS recommande : un accès facilité à la rééducation périnéale et pelvienne en traitement du prolapsus des organes pelviens chez la femme adulte, lorsque cliniquement indiqué; un accès à l'intervention durant un maximum de dix séances; que l'intervention puisse s'étendre sur une période de seize semaines ou plus, selon les besoins individuels des patientes, avant de procéder à une réévaluation de la conduite à suivre; que l'intervention soit supervisée par un physiothérapeute qualifié et détenant l'expertise requise; que la rééducation périnéale et pelvienne puisse être accessible plus d'une fois, soit à différentes périodes de la vie d'une femme ou pour traiter différentes conditions. Compte tenu du niveau de preuve jugé faible, l'INESSS n'est pas en mesure de prendre position, pour le moment, à propos de la pertinence d'un accès facilité à la rééducation périnéale et pelvienne pour le traitement des dysfonctions anorectales et des douleurs périnéales chez les femmes adultes. Dans le cas où de nouvelles données deviendraient disponibles, une réévaluation par l'INESSS serait pertinente. De plus, l'INESSS réitère sa recommandation que le Ministère se dote d'une stratégie et d'un plan d'implantation prévoyant: la mise en Åuvre progressive des services en fonction des ressources disponibles; l'application de mesures pour favoriser un accès équitable à ces services à toutes les femmes du Québec pour qui la rééducation serait indiquée; le développement d'outils de sensibilisation pour informer les femmes et les professionnels de la santé sur les dysfonctions du plancher pelvien et l'existence de modalités thérapeutiques comme la rééducation périnéale et pelvienne p. ex. feuillet d'information, sites Web, médias, etc.
INTRODUCTION: Pelvic floor dysfunctions significantly impact on physical, psychological, sexual and social quality of life. Their prevalence is often underestimated because of the reluctance and embarrassment to discuss these symptoms. The costs associated with pelvic floor dysfunctions in women are substantial, and they constitute an economic burden for society [Sung et al., 2010]. Conservative treatments, such as perineal and pelvic rehabilitation, including pelvic floor muscle training (PFMT) are usually proposed as firstline options to treat these disorders in women, and surgical procedures may be proposed if conservative and pharmacological treatments fail. The Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) asked the Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) to evaluate the advisability of including perineal and pelvic rehabilitation in the range of public services offered in Québec to prevent and treat pelvic floor dysfunctions. The request specifically concerned the efficacy of perineal and pelvic rehabilitation, the risks, the conditions of use, and the economic and organizational impact. In Part 1 of this project, INESSS issued a favourable recommendation regarding access to perineal and pelvic rehabilitation for the prevention and treatment of urinary incontinence, one of the common sequelae of pelvic floor dysfunction. In the continuation of the project, presented in this report, we examine and make recommendations regarding access to perineal and pelvic rehabilitation for the prevention and treatment of anorectal dysfunctions, pelvic organ prolapse, and perineal pain. METHODOLOGY: A search of the scientific literature and other information sources was conducted: an umbrella review, an exploratory review, or a review of the clinical practice guidelines, depending on the evaluation question. The economic literature was reviewed to assess the cost-effectiveness of perineal and pelvic rehabilitation, using studies deemed transferable to the Québec context. A budget impact analysis was performed to estimate the impact of adding perineal and pelvic rehabilitation to the range of publicly funded services available in Québec for the treatment of each pelvic floor dysfunction. The work was supported by an advisory committee of experts, a committee of patient collaborators, and a follow-up committee. In order to mobilize and integrate the knowledge, a multidimensional approach was used in which scientific, contextual and experiential data were integrated. The statements of scientific evidence that were drawn up were subjected to grading of the quality of evidence. The recommendations were deliberated on by the Comité délibératif permanent − Modes d'intervention en santé. RESULTS: Pregnant or postpartum women: In a population of pregnant or postpartum women, there is insufficient evidence to conclude that perineal and pelvic rehabilitation is effective in preventing or treating anorectal dysfunctions, pelvic organ prolapse or perineal pain. There is also an insufficient level of evidence regarding the treatment of anorectal dysfunctions in women with obstetric anal sphincter injuries. However, some guidelines recommend perineal and pelvic rehabilitation after initial treatments have failed, given the few adverse effects associated with it. Other adult women (including those 55 years of age and older): Anorectal dysfunctions: Perineal and pelvic rehabilitation may be more effective than standard care (without medication) in treating fecal incontinence in adult women. However, the level of evidence is considered low because of the small number of studies, which are of low quality. The clinical practice guidelines recommend perineal and pelvic rehabilitation after initial treatments have failed.. There appears to be no difference in efficacy between perineal and pelvic rehabilitation and loperamide or anal injections of dextranomer for treating fecal incontinence in adult women. However, the level of evidence is considered low because of the small number of studies, which are of low quality. Because of the lack of evidence, we cannot rule on the effect of perineal and pelvic rehabilitation for the treatment of functional constipation. One guideline recommends this intervention for the treatment of constipation. Despite the paucity of evidence, the clinical practice guidelines generally recommend perineal and pelvic rehabilitation for the treatment of anorectal dysfunctions, as it is considered a reasonable option, given that there are no associated adverse effects and that it is noninvasive. Pelvic organ prolapse: Perineal and pelvic rehabilitation appears to be effective as a first-line treatment for pelvic organ prolapse (stages I to III) in reducing the severity of anterior vaginal wall prolapse and the overall symptoms of pelvic organ prolapse in the short term (moderate level of evidence). The clinical practice guidelines unanimously recommend the use of perineal and pelvic rehabilitation for the treatment of stage I and II pelvic organ prolapse. Based on limited literature and the opinion of the experts consulted, it is estimated that 4 to 10 supervised sessions over a period of at least 16 weeks may be sufficient to treat pelvic organ prolapse in adult women. RECOMMENDATIONS: Given the consistency of all the data constituting the evidence, the efficacy and safety of the intervention, and its few adverse effects, INESSS recognizes the advisability of access to perineal and pelvic rehabilitation (i.e., public offer and/or coverage terms) for the treatment of pelvic organ prolapse. INESSS recommends: Facilitated access to perineal and pelvic rehabilitation for the treatment of pelvic organ prolapse in adult women, when clinically indicated; Access to this intervention for a maximum of ten sessions; That it be possible to extend the intervention over a period of 16 or more weeks, depending on the individual patient's needs, before reassessing the course of action; That the intervention be supervised by a qualified physiotherapist with the necessary expertise; That perineal and pelvic rehabilitation be available more than once, i.e., at different times in a woman's life or to treat different conditions. Given what is considered a low level of evidence, INESSS is unable to take a position, at this time, on the advisability of facilitating access to perineal and pelvic rehabilitation for the treatment of anorectal dysfunctions and perineal pain in adult women. Should new data become available, a reevaluation by INESSS would be appropriate. In addition, INESSS reiterates its recommendation that the MSSS develop a strategy and an implementation plan that includes: The gradual implementation of services according to the available resources; The implementation of measures to promote equal access to these services for all Québec women for whom rehabilitation is indicated; The development of knowledge transfer tools for informing women and health professionals about pelvic floor dysfunctions and the existence of treatment modalities, such as perineal and pelvic rehabilitation, e.g., an information sheet, websites, media, etc.; The potential use of additional modalities for providing perineal and pelvic rehabilitation to certain patient populations, such as group sessions or telerehabilitation. These modalities: Should involve supervision by a qualified physiotherapist; Should be used with caution, as their efficacy has not been systematically evaluated in this project; Should be the focus of research projects in the Québec context and be adjusted as new data become available. Exploring measures to promote broader access by involving the participation of various professionals (physiotherapists, midwives, nurses, physicians and physiotherapy technicians) in this offer of services; The implementation of measures to support the training of the professionals involved in the offer of services; Adjusting the offer of services according to the demand over time, based on new developments or research in this field.